Outre-Manche, les téléspectateurs haussent le ton. Ils se plaignent de ne rien entendre de ce qui se joue à l’écran quand sont diffusées leurs séries préférées.
“La série est dure à suivre, disent-ils – non que l’intrigue soit particulièrement retorse, mais parce qu’il est difficile de comprendre ce que marmonnent les acteurs.” Ces derniers jours, rapporte The Sunday Times, les fans de la série Happy Valley ont rejoint le bataillon des téléspectateurs britanniques en colère. La cause de leur courroux : ils affirment ne rien entendre des répliques prononcées à l’écran par l’actrice Sarah Lancashire, l’héroïne de cette série policière diffusée par la BBC.
“C’est une hécatombe, apparemment”, constate le quotidien londonien, qui dresse la liste des séries ayant récemment suscité l’ire du public : Jamaica Inn (une nouvelle adapatation de L’Auberge de la Jamaïque, le roman de Daphné Du Maurier), Shetland, Guerre et paix, Broadchurch, Wolf Hall… Autant de programmes haut de gamme, ayant a priori bénéficié de budgets conséquents et qui n’ont pourtant pas réussi à passer le mur du son.
Alors quoi ? The Sunday Times s’est livré à “une vaste, quoique peu scientifique étude”, sondant acteurs, producteurs et techniciens du son pour tenter de comprendre où le bât blessait. Son verdict : tous coupables. “Il y a une tendance, du côté des jeunes acteurs, à vouloir jouer la carte du ‘naturalisme’, qui est pour nous celle de l’inaudible”, accuse Simon Clark, ingénieur du son sur Wolf Hall. Entendre : ils refusent d’articuler clairement, arguant que personne ne s’exprime ainsi dans la vraie vie.
Le retour du sous-titrage?
Les réalisateurs, quant à eux, ne sauraient pas toujours bien diriger leurs acteurs, surtout quand ils sont aussi scénaristes : connaissant les lignes de dialogue par cœur, ils n’ont pas besoin de les entendre pour les comprendre. Mais que fait le producteur, alors ? C’est là que le cas de Happy Valley devient croustillant : Sally Wainwright cumulant les casquettes de scénariste, réalisatrice et productrice, il n’y aurait eu personne sur le tournage pour sonner l’alerte et demander à Sarah Lancashire de hausser le ton.
Sachant que les écrans plats aussi s’en mêlent (les enceintes étant en général placés à l’arrière sur ce type d’appareils, une partie du son est absorbée par le mur), The Sunday Times finit par aller au bout de son raisonnement par l’absurde et pose la question : faudra-t-il un jour se résoudre à sous-titrer tous les programmes diffusés sur les ondes ?
—The Times
Article publié dans Courrier international – Paris le 16/03/2016