Les négociations sur les nouvelles règles de l’assurance-chômage propres aux intermittents du spectacle ont démarré fin février pour un cycle devant s’achever le 1er juillet. Ces discussions vont s’organiser selon un mode inédit.
Jusqu’en 2014, la négociation des annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes), lesquelles définissent les règles applicables aux intermittents du spectacle, avait lieu à l’occasion de la renégociation de la convention générale d’assurance chômage qui se tient tous les deux ans (la convention en vigueur actuellement est celle du 14 mai 2014 et elle est applicable du 1er juillet 2014 au 30 juin 2016). Les syndicats d’employeurs (le MEDEF, la CGPME et l’UPA) et de salariés (la CGT, la CFDT, FO, CGC et la CFTC) représentatifs au plan interprofessionnel négociaient les conditions spécifiques d’indemnisation des artistes et techniciens du spectacle après les discussions sur le régime général. Un peu à la hâte et sous la pression du MEDEF, les conditions pour un dialogue serein étaient rarement réunies.
Depuis l’instauration de la loi Rebsamen du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, les annexes 8 et 10 ont été inscrites dans la loi, pérennisant ainsi leur existence. Et, autre nouveauté par rapport à ce qui se pratiquait jusqu’à présent, ce sont les partenaires sociaux représentatifs du secteur culturel* – et non plus l’échelon interprofessionnel – qui vont proposer de nouvelles règles pour l’indemnisation chômage des artistes et des techniciens. Ces négociations qui ont lieu parallèlement aux négociations interbranches sur l’assurance-chômage, doivent se faire dans le respect d’un “document de cadrage“, cadrage financier défini à l’échelon interprofessionnel. Et c’est principalement ce document de cadrage qui focalise toutes les crispations.
Car c’est ce document qui fixe le niveau des économies à réaliser (le MEDEF parle de 185 millions d’euros d’économie à réaliser). Depuis longtemps le “régime” des intermittents du spectacle fait l’objet de nombreuses critiques quant à son coût rapporté au nombre de ses bénéficiaires. Trop cher, le régime serait responsable selon la Cour des comptes de 1/3 du déficit de l’assurance-chômage en 2010. La différence entre les allocations versées (1,2 milliards d’euros) et les contributions perçues (0,239 milliards d’euros) crée un besoin de financement d’environ 1 milliard d’euros chaque année. Ces quelques exemples chiffrés, souvent repris sans grande réflexion par nombre de médias, donnent le tournis. Serions-nous, nous les intermittents, les seuls responsables de cette situation ?
Sans vouloir prendre position sur cette question, il ne serait peut-être pas inutile de revoir certaines bases concernant l’assurance-chômage
Rappelons ici ce qu’est l’assurance-chômage. Elle repose sur deux principes essentiels qui sont le principe de l’assurance mutualisée d’une part, et le principe de la solidarité interprofessionnelle d’autre part. Il s’agit d’une caisse unique dont le financement est assuré par les employeurs et les salariés principalement du secteur privé. Pour fixer les idées : fin 2010, le nombre d’établissements du secteur privé affiliés à l’assurance chômage s’élève à environ 1,6 million pour 16,4 millions de salariés. Dans le secteur public, le nombre d’établissements affiliés approche les 50 000 en 2010, pour environ 676 000 salariés. Enfin, 100 % des ressources de l’Unédic proviennent des salariés affiliés. Le champ de la solidarité interprofessionnelle est donc réduit à ces salariés, qui représentent 70 % de l’emploi total.
Le financement de l’assurance chômage est assuré par les contributions versées par les employeurs et les salariés, dont le taux est fixé par les partenaires sociaux. Ces contributions sont obligatoires et prélevées à la source. Au 1er janvier 2015, pour le régime général, le taux de contribution est de 4,00% pour la part de l’employeur, et de 2,40% pour la part du salarié.
Pour le régime des intermittents du spectacle, il est majoré en raison du dispositif d’indemnisation spécifique dont ils bénéficient. Le taux global est fixé à 12,80% (6,40% au titre du financement de l’indemnisation de droit commun et 6,40% au titre du financement de l’indemnisation des intermittents du spectacle), multipliant ainsi par deux la contribution par rapport au régime général. La part de l’employeur est alors de 8,00% et celle du salarié de 4,80%. Ce sont ces taux que l’on retrouve sur nos fiches de paye.
C’est l’Unédic qui est en charge de la gestion collective de l’assurance-chômage. Créée par les partenaires sociaux en 1958, c’est une association paritaire, organisme de droit privé qui apporte un soutien aux partenaires sociaux dans l’exercice de leurs responsabilités de négociation et de gestion.
En 2014, ses ressources proviennent des contributions des employeurs et des salariés et se montent à 33,7 milliards d’euros. L’Unédic distribue 34,1 milliards d’euros au titre d’allocations et cotisations sociales, et 0,8 milliard d’euros comme Aides au Retour à l’Emploi. Elle participe également au budget de Pôle Emploi par la dotation de 3,2 milliards d’euros, ce qui représente 62,7% de ce budget. Il apparaît donc que l’Unédic est déficitaire, de près de 4,4 milliards d’euros en 2014 (et de 4,3 milliards d’euros en 2015), ce qui n’est pas anormal en période de chômage intense. En principe, l’équilibre financier ne doit être recherché qu’à moyen terme, quand les périodes de chômage moindre viennent compenser les périodes de chômage plus intense. En principe…
Car depuis 2008, la courbe du chômage ne s’étant pas (encore!!??) inversée, les déficits cumulés aboutissent à une dette qui approche les 30 milliards d’euros (voir graphique ci-dessus). Or il faut savoir que le déficit de l’Unédic fait partie intégrante des déficits publics que la France s’est engagée à ramener en 2017 sous la barre des 3% du PIB. D’où une certaine vigilance de la part du gouvernement concernant les négociations en court.
Et les intermittents là-dedans ? Comme d’habitude, un bon croquis est plus parlant qu’un long discours. Méditons donc sur le graphique suivant qui nous permet de constater quelques points intéressants :
- le régime général de droit commun (en bleu) est celui qui est le plus impacté par les évolutions de conjoncture, mais c’est aussi celui dont le solde reste positif la plupart du temps.
- le régime des intermittents (en orange) ainsi que celui des intérimaires (en rose) restent étonnamment stables d’une année sur l’autre, étant peu sensibles aux aléas de la conjoncture. Mais leurs soldes sont tous les deux fortement négatifs
- à partir de 2008, date de la création de Pôle Emploi, la contribution de l’Unédic au service public de l’emploi (SPE en rouge), pour une grande part à travers sa contribution au budget de Pôle Emploi, devient considérable, du même ordre de grandeur que le solde du régime des intermittents et des intérimaires réunis. N’y aurait-il pas là la forêt que l’on cherche à cacher par l’arbre de l’intermittence ?
(*) La FESAC, représentant 31 organisations d’employeurs
La Fédération CGT du Spectacle, du Cinéma et de l’Audiovisuel
La Fédération Communication, Conseil, Culture CFDT
La Fédération des Arts, Spectacle, Audiovisuel, Presse FO
La Fédération Culture, Communication, Spectacle CGC
La Fédération Culture CFTC
D’après des éléments d’articles puisés dans Libé, Le Monde, Le Figaro, le site de l’Unédic
Les graphiques sont issus d’un article intitulé “La nouvelle assurance chômage – Pièce en trois actes” écrit par Bruno Coquet pour le compte de l’Institut de l’entreprise.
Didier