Les mixeurs cinéma se mettent en grève mardi 16 janvier 2018 – conjointement avec nos camarades monteurs son et bruiteurs.
Cela fait maintenant 18 mois que les syndicats de producteurs opposent une fin de non-recevoir à nos revendications.
Vous trouverez ci-dessous la lettre que nous avons adressée aux producteurs et qui explique le contexte et la nature de nos revendications. Nous fondons l’espoir que cette 1ère journée de grève nous permette d’en éviter d’autres.
Les mixeurs de l’ADM (Association Des Mixeurs)
et de l’AFSI (Association Française du Son à l’Image)
Paris, le 09 janvier 2018
Chers productrices et producteurs,
Nous partageons avec vous notre passion du cinéma et avons en commun, chacun à notre échelle, d’accompagner le metteur en scène dans sa démarche cinématographique. Nous participons ensemble à cette aventure qu’est la fabrication d’un film et c’est à ce titre que nous souhaitons vous informer de la situation délicate dans laquelle nous nous trouvons.
L’histoire de notre métier l’explique en partie. Les mixeurs étaient à l’origine employés par les laboratoires cinématographiques et donc assujettis à la convention collective des industries techniques. Dans les années soixante, les bandes sonores devenant plus complexes, les réalisateurs conscients de l’enjeu technique et artistique du mixage ont tenu à choisir par eux-mêmes leurs mixeurs qui sont alors devenus peu à peu intermittents. Sur le plan salarial s’était simplement instauré un tarif d’usage que chacun connaissait et respectait.
Pourtant la convention collective de l’époque, datant des années 50, ne sera jamais mise à jour et continuera d’ignorer notre profession pendant une soixantaine d’années. Cette incohérence cessera finalement avec l’entrée en vigueur de l’actuelle convention collective de la production cinématographique en octobre 2013. Cependant, au cours des difficiles négociations qui ont abouti à l’établissement de cette convention, la post-production est restée en marge des discussions focalisées essentiellement sur le tournage. Il en a résulté un accord très défavorable à notre égard ainsi qu’à celui des bruiteurs et des monteurs son.
De fait notre salaire minimum s’est retrouvé sous-évalué de 35% relativement au salaire moyen pratiqué avant octobre 2013. De plus, notre définition de fonction ne comportait pas la mention « Cadre collaborateur de création », indispensable pour intégrer automatiquement les 9 points éligibles prévus par la nouvelle réforme de l’agrément en application depuis janvier 2018.
Nous restons donc à ce jour totalement vulnérables aux délocalisations qui fragilisent sérieusement nos vies professionnelles.Comme vous le savez, nous y sommes très régulièrement exposés depuis une dizaine d’années, tout comme d’ailleurs l’ensemble des acteurs de la post-production son.
Cet amer constat a suscité de notre part une vive incompréhension. Comment admettre en effet que du jour au lendemain notre travail soit dévalué de 35% alors que les compétences et les responsabilités qu’il suppose restent invariables ! Comment interpréter que l’apport artistique de notre travail soit nié contre toute évidence ? À cet égard, il suffit de questionner des réalisateurs sur le sujet (plus de 160 se sont exprimés pour témoigner à quel point cette dimension de notre métier leur importait) ou d’observer le palmarès des César qui chaque année récompense l’apport artistique des métiers du son, pour que cette évidence soit indiscutable.
Nous souhaitons rappeler ici que les compétences et la chronologie liées à notre métier supposent d’assumer la responsabilité technique et artistique du résultat final de la bande sonore et ce jusqu’à sa diffusion, quel qu’en soit le support. À ce titre aussi nous exerçons une responsabilité particulière qui justifie une rémunération particulière.
Lorsqu’il nous arrive d’en discuter, bon nombre d’entre vous mesure que les termes de la convention collective sont en total décalage avec la réalité professionnelle puisque de fait, pour la plupart des mixeurs expérimentés, le tarif habituellement pratiqué avant la mise en œuvre de la convention collective reste appliqué.
Nous avons parfaitement conscience que le monde a évolué et que vos difficultés à financer et fabriquer des films se sont notoirement accrues. C’est pourquoi, à responsabilité comparable, nous proposons d’aligner notre salaire minimum sur celui des chefs opérateurs image, ce qui reste significativement inférieur aux usages antérieurs à l’application de la convention. Cette proposition nous semble cohérente parce qu’elle tient compte de l’évolution du contexte économique mais ausside la grille salariale existante.
Pour finir, nous nous expliquons mal les raisons pour lesquelles nous arrivons facilement à instaurer un dialogue sur ces sujets avec la grande majorité d’entre vous et pourquoi, à l’inverse, vos syndicats ferment radicalement la porte à toute discussion. En effet voici maintenant plus de 18 mois que les syndicats SNTPCT et SPIAC ont déposé un projet d’avenant portant nos revendications auprès de la Commission Mixte Paritaire, sans qu’aucune amorce sérieuse de dialogue et encore moins de négociation n’ait vu le jour.
Cette regrettable situation nous contraint en dernier recours à décider d’une première journée de grève le mardi 16 Janvier 2018 afin d’obtenir en urgence l’ouverture, par l’entremise de nos syndicats respectifs, d’une négociation spécifique aux mixeurs qui porterait sur les points déjà cités :
– la revalorisation de notre salaire minimum à hauteur de celui des chefs opérateurs image.
– la modification de notre définition de fonction en y incluant la mention : « cadre collaborateur de création ».
Nous espérons que ce courrier vous aura convaincu de l’urgence à ouvrir un dialogue. Nous souhaitons, tout comme vous évidemment, éviter de voir ce blocage persister et risquer de compromettre le bon déroulement des post-productions à venir.
Veuillez accepter l’expression de notre considération et puisque le calendrier s’y prête, une très bonne année 2018.
Les mixeurs de l’ADM (Association Des Mixeurs)
et de l’AFSI (Association Française du Son à l’Image)