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Actualités
27 janvier 2016

Fleur Pellerin s’exprime dans Écran total

fleur_pellerinArticle paru dans Écran total n°1071 en date du 16 décembre 2015

 

Fleur Pellerin

“Les relocalisations vont permettre de maintenir le savoir-faire français qui est un vrai atout”

 

La ministre de la culture et de la communication détaille son bilan et ses chantiers prioritaires.

Le Parlement vient de voter la réforme du crédit d’impôt. C’est une réforme importante pour laquelle la profession se battait depuis longtemps…

Je suis arrivé au ministère avec une vision claire des réformes à mener pour soutenir la création. Améliorer les crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel en faisait partie. Parce que relocaliser les tournages, c’est essentiel pour l’emploi culturel, mais aussi pour consolider en France tous nos savoir-faire, tous les métiers de la création et de production. C’est un vrai levier pour favoriser l’investissement dans la création française. Les Belges, les Britanniques, les Hongrois ont mis en place des systèmes attractifs. Il y avait urgence à donner les moyens de lutter à armes égales. J’ai donc entamé le travail pour le cinéma et l’animation, et, grâce au soutien des parlementaires, nous avons pu cette année renforcer encore pour le cinéma et la fiction télévisuelle. Notre dispositif est désormais l’un des plus attractifs qui existent.

 

C’est incontestable, mais d’autres pays ont tout de même des mécanismes encore plus attractifs parce que l’assiette de leur crédit d’impôt est beaucoup plus large que le nôtre qui n’est pas de 30% de la totalité de budget…

J’entends plutôt que de nombreux tournages qui devaient se faire en Belgique ou en Hongrie sont finalement rapatriés en France ! Martin Scorsese m’a dit que la France avait un atout majeur, c’est la qualité de ses techniciens qui “comprennent le cinéma”. Les relocalisations vont permettre de demain tenir le savoir-faire français qui est un vrai atout. Nous avons plusieurs outils pour y contribuer. Je pense à la mission d’Alain Sussfeld sur la réforme de l’agrément pour le cinéma. Et puis le soutien à la création française, c’est tout un écosystème : le crédit d’impôt, mais aussi les soutiens du CNC, les obligations d’investissement, le rôle de France Télévisions, dont je souhaite qu’il soit davantage un aiguillon de la création.

 

Dans le domaine de la fiction, notre pays commence à avoir une bonne réputation. Nos séries, notamment, font désormais de bonnes audiences en France et certaines commencent à bien se vendre à l’étranger. Mais nous produisons toujours la moitié du Royaume-Uni et le tiers de l’Allemagne.

Des pays comme les pays scandinaves, Israël ou la Turquie produisent des séries de grandes qualités qui s’exportent très bien, tout en étant tournées en langue originale. C’est une question de créativité, d’audace et d’écosystème. Dès que je suis arrivée au ministère, j’ai voulu soutenir la diversité de la création audiovisuelle, favoriser la relocalisation des tournages, promouvoir le rayonnement de la création. C’est notamment pour ça que j’ai renforcé le service public audiovisuel, parce qu’il joue un rôle majeur dans le soutien à la création française et à sa diversité, et tout particulièrement à la fiction.

 

Comment atteindre ces objectifs ?

Nous avons d’abord réformé les aides du Centre national du cinéma (CNC) dédiées au documentaire, au spectacle vivant, à l’animation, pour mieux accompagner la création, au terme de concertations approfondies. S’agissant du documentaire, il faut aller encore un peu plus loin. Certaines œuvres, parmi les plus originales et les plus audacieuses, ont beaucoup de mal à trouver des financements. J’ai donc demandé au CNC de travailler sur les conditions d’une hausse du plafond d’intensité des aides publiques à un niveau de 70%, voire 75%. Ce travail est en cours, il me paraît nécessaire pour mieux soutenir la création documentaire, la plus difficile.

 

Que comptez-vous faire pour pousser les ventes internationales ?

Le CNC a travaillé à des réformes sur les soutiens à l’exportation. Soutenir l’exportation, cela implique aussi de développer une production audacieuse, originale, comme je l’ai demandé dans la feuille de route de France Télévisions. Il faut que tous les partenaires soient sucités à une meilleure circulation des œuvres, y compris à l’étranger. C’est pour cela que j’ai lancé deux chantiers en vue d’améliorer le partage du risque. Tout d’abord, celui de la transparence des comptes de production et d’exploitation, qui avance très bien, et où je souhaite un accord interprofessionnel très rapidement. Le projet de loi que je défends au Parlement devrait permettre de consolider ces avancées. Et puis, il y a le chantier des relations producteurs-diffuseurs. J’avais annoncé en janvier mon souhait d’évolutions équilibrées des décrets. Nous avons beaucoup travaillé depuis, avec les diffuseurs et les producteurs. Je suis donc très satisfaite de l’accord qui vient d’être conclu entre France Télévisions et les syndicats de producteurs. France télévisions pourra disposer de davantage de flexibilité, sécuriser ses marques phares et être davantage impliquée dans la production. Elle pourra négocier des droits plus souples, notamment numériques. En même temps, l’accord donne des garanties aux producteurs indépendants, avec des engagements très clairs en faveur de la création – j’avais renforcé les moyens de France Télévisions à cette fin – ainsi que des engagements sur la circulation des œuvres et la durée des droits.

Je souhaite maintenant que les diffuseurs privés engagent très vite des discussions sur des principes similaires. Par ailleurs, nous devons faire davantage rayonner la création française, notamment dans le domaine de la fiction. J’ai demandé en ce sens à Laurence Herszberg (directrice du Forum des Images, NDLR) de réfléchir à un grand festival international des séries, comme le Festival de Cannes, le Festival d’animation d’Annecy ou le Sunny Side. Elle doit me remettre son rapport au début 2016. Si la France n’organise pas un tel évènement, d’autres le feront.

 

Vous vous êtes félicitée du rachat de Newen par TF1. Que répondez-vous à la présidente de France Télévisions qui dit qu’elle ne va pas enrichir son principal concurrent en commandant des programmes à sa filiale, en plus avec l’argent de la redevance ?

A quoi sommes-nous confrontés en réalité ? A un grand mouvement de concentration dans le secteur audiovisuel. Ma priorité, c’est que ce mouvement ne porte pas atteinte à la diversité de la création française. Je n’ai aucun doute : la force de la création, c’est sa diversité. Mais pour cela, il faut préserver des acteurs français solides, que nous savons réguler et qui ont intérêt à investir dans la création française pour se différencier face à des entreprises internationales très consolidées. Nous ne défendrons pas l’exception culturelle si nous ne sommes pas capables de faire vivre une vraie diversité de structures : des entreprises puissantes, capables de porter la création française dans le monde, et des entreprises plus petites, souples, agiles, qui apportent au secteur l’innovation et la créativité dont il a besoin. Si nous ne créons pas les conditions pour faire vivre toute cette diversité, alors nous prenons le risque de voir notre création affaiblie, face au développement de géants partout dans le monde qui allient capacité de production et de diffusion. Cela fait longtemps que Newen cherchait à s’adosser à un groupe plus puissant pour financer son développement international. Ce qui était sur le point de se passer, c’est la prise de contrôle par une grande chaîne étrangère. Je ne suis pas persuadée que cela eût été préférable… Mais je l’ai dit tout aussi clairement : il faut que les intérêts de France Télévisions soient protégés. Aux deux entreprises de négocier les termes.

 

La situation est tendue…

Comme dans beaucoup de négociations.

 

Donc, ça ne vous choque pas qu’une chaîne puisse être le principal actionnaire d’un producteur ?

Non, si c’est un modèle parmi d’autres.

 

Toutes les grandes chaînes européennes, comme la BBC ou la RAI, diminuent considérablement leurs personnels. France Télévisions avait entrepris une politique de départs volontaires. Or, le groupe semble avoir des frais de structures très importants, notamment à France 3. Estimez-vous que ces économies doivent se poursuivre ?

J’ai souhaité renforcer le financement de France Télévisions, qui se trouvait en situation économique délicate, avec des perspectives de déficit de plusieurs dizaines de millions d’euros. En 2016, l’entreprise bénéficiera de 30M€ supplémentaires pour restaurer sa situation économique, et elle aura un financement plus solide, avec la fin des subventions budgétaires et l’affectation directe d’une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Cela ne dispense pas France Télévisions de continuer ses efforts de gestion dans un contexte où tous les opérateurs en font. Ce que je souhaite, c’est que la France est un audiovisuel public ambitieux pour la culture, tourné davantage vers le jeune public, et exemplaire en matière de gestion. Ce sont des priorités que j’ai fixées à la présidente de France Télévisions.

 

Est-ce que vous ne pensez pas que les pouvoirs publics ont des mesures à prendre pour favoriser les créations de ce que l’on appelle les émissions de flux, un domaine où l’on importe beaucoup de formats, et où, donc, on en crée peu ?

Je ne crois pas que ce soit un sujet de réglementation. Quand je demande au service public d’être un aiguillon du secteur audiovisuel, cela implique qu’il joue un rôle pour promouvoir davantage la création de formats originaux. Delphine Ernotte l’a d’ailleurs bien en tête.

 

Le piratage en France a fait chuter de plus de 50% les ventes de disques et de DVD. L’Hadopi aboutit à seulement quelques dizaines de condamnations par an. D’autres pays comme l’Allemagne ont réussi à mieux protéger leur marché légal par un système simple d’amende quasi-automatique et élevé des consommateurs pirates. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait s’inspirer de leur système ?

Le premier ministre et moi-même avons affirmé la volonté très claire du gouvernement de lutter efficacement contre le piratage, qui menace la création. C’est une priorité. Le plus efficace, c’est de frapper au porte-monnaie les sites pirates. D’où les accords que nous avons négociés avec les annonceurs, les régies publicitaires et les acteurs du paiement en ligne. Par ailleurs, il y a des systèmes d’empreinte qui sont peu utilisés en France mais qui fonctionnent pourtant très bien : par exemple, à partir du moment où un ayant droit a fait retirer un programme de Youtube, il n’a pas besoin de réintervenir si ce programme réapparaît. Il est automatiquement bloqué. Nous avons également travaillé sur la promotion de l’offre légale, en créant, avec le CNC et les partenaires privés, un service de référencement donnant accès à des milliers d’œuvres simplement et légalement.

 

Avez-vous des premiers résultats sur ce service ?

Déjà plusieurs dizaines de millions de vues chaque mois, et, même si c’est un peu tôt, je me réjouis qu’un effet positif sur le marché de la vidéo à la demande puisse être constaté. L’Association de lutte contre la piraterie [Alpa, NDLR] qui représente les ayants droit s’est félicitée de toutes ces mesures.

 

Et les plateformes de SVoD qui ne payent pas leurs impôts en France ni la taxe alimentant le comte de soutien ?

C’est un des enjeux majeurs aujourd’hui pour la création et plus largement pour les finances publiques. Nous avons fait des avancées, en réformant la TVA mais aussi en modernisant la taxe vidéo perçue par le CNC. Ce texte est toujours à l’examen de la Commission européenne. Je plaide également pour que, dans le cadre de la directive sur les services de médias audiovisuels, nous luttions mieux contre les contournements de régulations nationales. Il nous faut aussi agir pour que les plateformes soient mieux régulées, alors qu’elles sont aujourd’hui considérées comme de simples hébergeurs. Or, elles ne sont plus des intermédiaires purement techniques, quand la plupart a une politique éditoriale et tire des bénéfices colossaux de la diffusion d’œuvres à laquelle elles ne contribuent pas. C’est donc un travail très complexe, pour moderniser toute notre régulation, l’adapter aux nouveaux usages et aux nouveaux modèles de diffusion des œuvres.

 

Pensez-vous obtenir gain de cause au niveau européen ?

C’est vraiment un grand combat. On a fait des avancées, je le disais tout à l’heure. Mais il reste beaucoup à faire. Je reste optimiste, c’est absolument majeur pour préserver l’exception culturelle.

 

Ne pensez-vous pas que tout cela conduit à fusionner le CSA et l’Arcep, comme les Britanniques ou les Américains qui ont un seul régulateur ?

La régulation audiovisuelle est très spécifique. En revanche, je pense qu’il faut articuler les deux régulations. La convergence ne date pas d’hier, mais elle s’accélère tous les jours davantage. Tous les médias évoluent, développent des applications numériques. Certains sont installés à l’étranger, ce qui rend la régulation encore plus complexe. Les modèles de financement changent en conséquence, sans être d’ailleurs vraiment stabilisés. Il est indispensable qu’on se mette d’accord au niveau européen. Ce sont des questions essentielles que je porte depuis trois ans, puisque je m’en occupais déjà dans ma précédente fonction ministérielle. J’avais demandé à Jean Tirole, bien avant qu’il ne soit prix Nobel, de travailler avec nous sur la question de la création et du partage de la valeur dans l’économie numérique. Je n’ai pas envie d’être dans un monde où tout est déterminé par un algorithme, lequel me pousserait vers des blockbusters. Notre système doit être préservé parce qu’il assure la diversité. C’est ça l’enjeu de mon ministère : faire en sorte que le public puisse continuer de découvrir Fais pas ci, fais pas ça, Dix pour cent, un documentaire passionnant sur les origines du djihadisme, Le Bureau des légendes, le premier concert d’un jeune artiste ou encore Tosca mis en scène par Luc Bondy. De la diversité et tout un champ des possibles…

Propos recueillis par Serge Siritzky

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